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La droite doit renoncer à ses vieilles lunes sur l’écologie !

Alors que Les Républicains dévoilent, lors d’une convention nationale, leurs propositions écologiques pour la France, Ferréol Delmas, Directeur du think-tank « Ecologie responsable », revient sur l’éternelle rencontre ratée entre ce courant politique et la défense de l’environnement et propose des solutions pour une écologie de droite.

 

Les élections municipales ont rappelé la place centrale de l’écologie dans le jeu politique contemporain et la nécessité d’avoir une vision claire sur ce sujet, renvoyant la droite et le centre-droit à ses carences. Pour ce courant, l’écologie est un sujet embarrassant, gênant, l’éternel tabou à éviter, ce serpent de mer revenant sempiternellement comme le sparadrap du capitaine Haddock. Il a toujours été difficile pour les responsables de droite de l’appréhender, avec la peur de tomber dans un discours gauchisant, hostile au progrès et au développement économique à l’instar de Nicolas Sarkozy et de son fameux « l’environnement, ça commence à bien faire ». Pourtant, la droite pourrait avoir un boulevard devant elle, à contre-courant d’une écologie punitive, chargée de normes.

La peur d’attenter à l’économie et aux libertés individuelles

L’écologie politique, cette volonté de réfléchir aux interactions entre l’Homme et son milieu pour en trouver des débouchés dans les décisions publiques vient historiquement des milieux libertaires. Ce passif effraye, en leurs tréfonds, les cadres des partis successifs de l’UDR, RPR, UMP et LR. Une véritable méfiance existe face à un choix qui pourrait inclure l’adoption de systèmes de dépollution efficaces et, des contraintes économiques et concurrentielles qui limitent les investissements non productifs. Au départ, la réponse était simple : réduire l’écologie à l’écologisme, c’est-à-dire à une vision « punitive », forcément attentatoire aux libertés individuelles. Fermez le ban, ce n’est pas un sujet intéressant, il y a beaucoup trop à perdre à en parler. La droite, tenant alors d’une vision productiviste craint, comme le rapporte l’historien Christian Delporte « qu’en touchant trop à l’écologie, on remette en cause le système », ajoutant même « C’est une question d’image : pour la droite, les écolos ce sont des gauchistes chevelus qui se mobilisaient au Larzac ». Être écolo serait être contre le progrès, ce grand dogme post-seconde guerre mondiale, et reviendrait à revenir à un âge de pierre, mitrotskiste mi-médiéval, hostile à la technologie scientifique. Les scores des partis écologistes étant alors (très) faibles : 1,32 pourcents en 1974 avec l’inconnu René Dumont, 1,57 pourcents en 2007 avec Dominique Voynet avec même un historique 0,52 pourcents aux élections municipales de 2008, il ne s’agit pas d’un sujet majeur, loin de là. Ce constat se retrouve dans la gestion municipale, la droite le payant aujourd’hui au prix fort, perdant Marseille et Bordeaux notamment. Dans la capitale girondine, Alain Juppé, pourtant ancien ministre de l’Ecologie, a tenté quelques avancées avec la mise en place du tramway. Pourtant, son successeur est balayé largement par le candidat Europe-Ecologie-Les-Verts, Pierre Hurmic. Si Bordeaux a donné une image de « Green City », il a clairement manqué d’une vision globale avec une ligne directrice pour lutter contre la pollution et l’étalement urbain. A Annecy comme à Colombes, la ville bascule aussi du centre-droit (UDI) à un maire affichant l’étiquette écologiste, dénonçant « un bétonnage massif pendant quarante ans ». Certes, la vague verte est aussi un phénomène de mode, les citoyens voulant des maires plus soucieux de ces thématiques, néanmoins la droite a manqué un tournant, qu’elle tente aujourd’hui de rattraper tant bien que mal.

Des rencontres sans lendemain

Pourtant, la droite a tenté quelques innovations en la matière. Parfois timides, parfois audacieuses mais toujours sans lendemain. En effet, Georges Pompidou, président moderne, ardent défenseur du progrès créa le premier ministère de l’environnement. Et dénonce «la crise de la civilisation occidentale », dans son discours de Chicago : « La nature nous apparaît de moins en moins comme la puissance redoutable que l’homme du début de ce siècle s’acharnait encore à maîtriser mais comme un cadre précieux et fragile qu’il importe de protéger pour que la terre demeure habitable à l’homme. » C’est encore Pompidou qui militant pour sauvegarde de «la maison des hommes », fait voter en 1973 une loi sur « les espaces boisés à conserver », clamant son amour à la « beauté » ! A cela, on peut ajouter la Charte de l’environnement, inscrivant dans la Constitution que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé », adoptée en 2004 à l’initiative de Jacques Chirac ou encore du Grenelle de l’environnement, organisé en 2007 par Jean-Louis Borloo, ministre de Nicolas Sarkozy. Ces initiatives, certes, louables, donnent la désagréable impression de coups de com’ avec de faibles impacts sur le quotidien, faire des « grandes messes écologiques » pour ne pas aborder le fond du problème : le choix idéologique. Entre partisans du principe de précaution, mis en œuvre par la droite, puis un magistral revirement sur la question, lui-même opéré par cette famille politique donne une impression de brouillard sans fin.

Oui, l’écologie est (aussi) de droite !

Selon une étude de septembre 2020 menée par l’IFOP, 53 pourcents des Français pourraient voter pour un candidat écologiste, cette proportion atteignant même 45 pourcents chez les électeurs de droite. Une véritable révolution. Dans ces conditions, il est urgent et vital pour les Républicains de poser les bonnes questions et d’apporter un ensemble de propositions concrètes, sortant du poncif « la droite est écologiste car elle défend les territoires », qui n’est plus un argument suffisant. Interrogé par un journaliste jugeant cette politique ancrée « à gauche », le président Giscard d’Estaing a donné cette réponse : « L’écologie, c’est avoir peur pour ce qui existe… c’est aussi ça, être de droite. » L’heure de la peur doit être dépassée, Il faut maintenant creuser les sujets en profondeur, investir des thèmes comme le développement d’une production industrielle « Made in France », la valorisation des circuits courts, la mise en place d’une fiscalité « verte ». Ces questions devraient être au cœur de nos réflexions : elles sont le prolongement de l’enracinement, ce «besoin de l’âme» comme disait la philosophe Simone Weil dans son ouvrage éponyme. L’écologie n’appartient pas à la gauche : une vision punitive, dogmatique d’une écologie chargée de normes qui aurait réponse à tout n’est pas la solution. Oui, la droite est intrinsèquement écologiste, irriguée par son attachement aux racines, à la ruralité, à une certaine vision de la place de l’Homme. Cette écologie humaniste, fruit du bon sens, la droite doit pouvoir être son porte étendard. Notre doctrine politique est profondément écologiste car en tête de ses valeurs elle veut le meilleur pour l’épanouissement de l’Homme dans son environnement. L’éthique de responsabilité doit être le socle des politiques publiques, en acceptant que nos concitoyens puissent faire les bons choix en leur âme et conscience. Ainsi, notre projet écologique, loin de rejeter le progrès, l’innovation, la science, au contraire, croit en l’homme, en son génie, en ses facultés et veut l’accompagner afin d’apporter des solutions nouvelles face à ces enjeux maintenant bien définis notamment celui d’une économie compétitive et dynamique. Au travail ! Faute de quoi la droite restera inaudible, le recyclage cela n’est possible qu’un temps.

 

Ferréol Delmas est Directeur du think-tank « Ecologie responsable » et ancien Président des Républicains à la Sorbonne

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